vendredi 28 août 2015

Ma chronique: Persuasion de Jane Austen

Chose promise ;)

Parlons donc de cette merveille qui est pour moi LE roman de Jane Austen a un tel point que je l’ai offert il y a quelques jours à une amie car je voulais en faire une janéite et je me suis dit qu’il était le meilleur livre pour le devenir.
Il commence pourtant mal, comme si Elizabeth avait repris sa parole à Darcy quoi et tel un film américain on se retrouve 8 ans plus tard. ^^ Pourtant Persuasion est bien plus que cela, bien que très court il brasse tout ce qui fait la réputation de Jane.

Je l’ai déjà dit dans la chronique filmique ou la citation du jour #7 mais je repose le contexte :Anne Elliott est la fille d’un baronnet qui vit tellement au-dessus de ses moyens qu’il est obligé de louer la demeure de sa famille. Le nouvel habitant est l’amiral Croft dont l’épouse est la sœur de Frederic Wentworth : ce dernier et Anne se sont rencontrés il y a 8 ans, passionnément épris ils se sont fiancés mais Anne a rompu leur fiançailles avant l'annonce officielle sur conseil de sa marraine car le jeune homme était un capitaine de marine novice, sans fortune et sans « connexion ».  Depuis Anne est en dépression, elle a donc perdu sa joie de vivre, sa « fraîcheur » ce qui l’a rend encore plus indésirable pour sa vaine famille, son père et sa sœur aînée Elizabeth, car en plus elle est responsable, intelligente et calme (que des défauts pour eux ^^).  A 27 ans elle est donc « une vieille fille » et sa famille ne l’estime pas, donc au lieu de l’emmener à Bath avec eux ils l’envoient jouer les garde malade chez la plus jeune des sœurs, Mary, qui est une incurable hypocondriaque mais la seule à être mariée et mère. Cette responsabilité va l’amener à recroiser Frederick car Mary habite près de la demeure ancestrale des Elliott, et à affronter la froideur et le ressentiment de son ancien amour qu’elle aime toujours profondément.

C’est mon favori car c’est finalement le plus « ouvert ». L’histoire qui a existé entre les deux protagonistes donne un ton différent à l’histoire et surtout à leur relation. Ils lisent l’un en l’autre (enfin surtout Anne puis Wentwoth quand il arrête de ruminer ^^). On a accès aux pensées de Anne de façon claire, on sait ce qu’elle ressent pour Frederick bien qu’elle le nie effrontément mais c’est tout l’art de Jane, Anne dit quelque chose en son for intérieur mais on comprend bien que c’est parfois tout l’inverse qui s'avère être vrai comme quand elle est persuadée que la première rencontre avec son ancien amour va permettre de nouvelle rencontres libérées d’une possible gêne sauf que l’on comprend bien que c’est du flanc et qu’elle est toute chamboulée. Et puis, c’est minime, mais le fait qu’elle le prénomme Frederick quand elle parle de lui, crée une connexion entre eux contrairement aux autres relations nées de la plûme de notre prêtresse où les noms de famille et autres monsieur sont de rigueur. 

Je trouve que l’ironie de Jane Austen est ici plus fine, tranchante et va droit au but. Depuis le père narcissique au possible qui favorise sa fille aînée car tel Narcisse elle représente son reflet, à la jeune Mary qui est insupportable de caprices tant elle n’a jamais su autrement capter l’attention paternelle toute tournée vers Elizabeth. En passant par les Musgrove père et mère qui se donnent des airs de sympathie bienveillante quand Anne arrive mais sont en réalité d’une certaine fatuité et d’un certain ridicule. Cela est d’ailleurs flagrant dans le traitement de leur second fils (Jane Austen lache d’ailleurs la bride à tout son mordant dans cette courte description mais qui a le don, à mon sens, d’éclairer vraiment les Musgrove),  sans parler de leurs filles qui sont je pense, une critique acerbe de Jane sur les fameux « accomplishement » qui sont finalement des talents assez surfaits quand on voit que les jeunes filles Musgrove sont finalement des coquilles vides sans grande consistances finalement, shadow and dust comme dirait l’ami Proximo ^^. 
Sans oublier Benwick sorte de Chateaubriand anglais qui aime à se complaire dans sa douleur en lisant de la poésie car il pense finalement que c’est comme ça qu’il doit agir mais qui ne peut s’empêcher d’épouser la première femme qui le met dans une position de « dominant » alors qu’il est techniquement un veuf au bord du suicide. Ici d’ailleurs, il va s’en dire que Jane critique ouvertement ceux qui font du monde le témoin de leur douleur, comme si le chagrin ne pouvait être contenu. Comme si la souffrance se mesurait à l'aune de sa visibilité.

Passons maintenant à Anne. Malgré ce que l’on pense, c’est l’un des personnages féminins les plus forts de Jane Austen. En effet, elle allait braver l’ire de son père pour se marier à 19 ans mais elle a su comprendre les arguments de sa marraine (non dénués d’intelligence quoiqu’un peu trop présomptueux finalement) mais c’est une décision qu’elle a estimé juste et en a assumer les conséquences. Et contrairement à Benwick elle a porté le deuil, littéralement, et a souffert et ce en silence pendant 8 ans, et cela c’est de la force de caractère. Tout comme le fait de refuser le pourtant bien né Charles Musgrove, que sa marraine affectionne, car elle refuse un mariage sans amour et donc sans Wentworth, et ce même si elle doit finir vieille fille. L'identification est encore plus frappante qu'avec les autres héroïnes grâce à sa réserve et son sérieux, enfin en ce qui me concerne ^^. Quand le roman commence Anne a grandi et se permet d’analyser froidement son attitude d’il y a 8 ans et c’est là que l’on comprend que c’est une femme car elle est capable de faire le tri dans ses décisions, sans pour autant les regretter ni avec amertume, mais en tirant les conclusions qui la feront avancer. De fait, quand le roman commence elle est finalement plus adulte que Frederick car elle est libérée de toute rancœur ou colère, elle a accepté ce qu’il s’est passé et veut maintenant avancer en bonne intelligence avec Frederick même si cela lui arrache le cœur de le voir s’attacher à une autre.

Parlons-en d’ailleurs du beau capitaine. Déjà dès le début on connait son prénom ^^ (on ne rigole pas!! que celle qui est capable de dire le prénom de Darcy sans google lève la main ahah) et ca le rend plus humain. Je pense que c’est finalement ce qui fait de Wentwoth ce qu’il est : c’est pour moi le plus humain des héros austeniens. Je m’explique. Déjà ce n'est pas un "héritier", ce qu'il possède il a combattu pour l'avoir, c'est le récompense de sa bravoure au combat, son argent il s'est littéralement battu pour l'obtenir. En clair c'est un homme, un vrai. Il a affronté la mort, il a dû en être témoin, mais il continue le combat. Il est valeureux et couragueux. Mais ce gars a aussi trouvé son grand amour mais elle l’a planté sur conseil de sa marraine. Mettons-nous à sa place, son cœur est carrément passé à la moulinette d’une et de deux, la femme que lui aime de toute son âme fait passer les conseils de sa seconde mère avant lui : niveau confiance en soi il a du toucher le fond! Il est donc reparti en mer, et coup de bol, les Français se sont pris de grosses déculottées à l’époque (merci Napoléon !), il est donc adulé par ses hommes, respecté par sa hiérarchie et en plus riche (l’un de ses défauts selon lady Russel). Autrement dit dans un film américain se serait le roi du bahut ^^. Donc quand il revient, et qu’il sait qu’il va voir Anne il en fait des tonnes : il montre bien qu’il a réussi, fait état de ses victoires, de sa prodigieuse carrière, en gros il veut lui montrer à quel point elle a eu tort. Il est amer, froid, blessant et tout cela se voit dans son attitude envers Louisa Musgrove. Il la laisse jouer avec lui sans la repousser car il veut blesser Anne, lui prouver qu’il est un homme désirable et peut avoir une jeune et belle épouse. Il arrive même à la convaincre…au début du moins. Car si le lecteur décèle une attitude factice chez Frederick on en a vraiment la preuve, et Anne aussi, après la longue marche qui les amène vers un cousin des Musgrove. Bien qu’il n’en ait pas fait montre, il a observé Anne et s'est rendu compte de son extrême fatigue et il oblige donc sa sœur à la prendre dans son cabriolet puis il force Anne à monter dedans. Il l'a touche même et à cette époque un contact physique n'est pas anodin ni sans portée. Bien qu’il le nie, il ne peut s’empêcher de faire attention à elle, de prendre soin d’elle. Son attitude avec Louisa est révélatrice, il joue pour blesser Anne et se venger en quelque sorte, ce qui explique son extrême désarroi après la chute de la jeune femme car il se sent coupable d’avoir attisé cette flamme par rancœur alors que tout cela a mise en danger la jeune femme. Puis la jalousie qu’il a voulu susciter se retourne contre lui quand il se rend compte qu’un homme regarde Anne avec admiration, on le sent bouillonner à travers les lignes. En côtoyant Anne, en l’observant secrètement il finit même par la comprendre, et accepter les raisons de sa rétractation, à comprendre plainement la force de son caractère. Et puis surtout, même s’il a tout fait pour la haïr, on voit bien que dès qu’il la revoit il se reprend ses sentiments en plein dans la tête mais il est fier et blessé alors il se cache derrière ce masque de capitaine auréolé de gloire jusqu’à ce qu’il entende la douleur de Anne et découvre la réelle souffrance qu’elle cache elle aussi derrière son masque de jeune femme sérieuse et responsable, il comprend que sa passion et sa souffrance n’ont d’égales que les siennes. Alors pour une fois, Jane nous donne à voir une déclaration d’amour, une vraie, une magnifique, une poignante déclaration d’amour, tellement humaine et vraie, à la hauteur de ce personnage tellement humain qu’est Frederick Wentworth.

Qu’ajouter d’autre ?

En parsemant son ouvrage de multiples formes de couples, Jane nous explique que l’Amour Vrai et Durable ne peut prendre forme qu’entre deux personnes honnêtes & vraies envers elles-mêmes mais surtout entre elles.  Que l’attachement, l’amour, la souffrance, ne se juge pas à sa mise en scène mais à sa profondeur.


Voilà j’espère ne pas en avoir trop dit mais je pourrais en parler pendant des heures :)

4 commentaires:

  1. Ahh, mon préféré. Je crois que beaucoup de gens ne comprennent pas la profondeur de Jane Austen, et plus particulièrement de ce livre mais tu fais là un très beau billet!! Merci :)

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    1. mon préféré aussi ;) bon avant tout merci pour ton message! je croyais que cela n'intéressait personne, mon blog est quasi confidentiel ^^. Mais surtout comme je savais que c'est ton préféré je suis particulèrement touché que tu aimes mon billet! Tout mon amour pour cet ouvrage y repose et je croyais être un peu partie dans tous les sens mais si tu l'aimes c'est que je tiens le bon bout ^^... Je suis bien d'accord concernant Jane, pour beaucoup elle n'écrit que sur des jeunes filles qui réussissent à épouser un mec blindé de fric qu'elles aiment de surcroit mais c'est bien plus que celà...et c'est particulièrement visible avec Persuasion qui est le moins aimé de tous (je n'en reviens toujours pas ayant eu toutes les peines du monde à décoller dans Mansfield Park par exemple!). Il est profond, il est beau, il a de multiples niveau de lecture...bref ^^ encore merci pour ce joli commentaire Alice :)

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  2. Mais bien sûr que tu tiens le bon bout!! Ne te décourage pas :)

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    1. merci beaucoup :)
      faut que j'arrive juste à être plus présente, plus régulière...
      en tout cas c'est très gentil à toi!

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